samedi 16 juillet 2011

4 Prototypes et autres essais honteux

Bon la création est par essence risquée, se lancer corps et âme dans un grand gâchis de contreplaqué n’est pas sans danger pour l’amour-propre, le porte-monnaie.  Avant d’entreprendre le massacre à la scie sauteuse, il est bon de s’assurer d’un succès minimal probable. Les calculs c’est bien, l’expérimentation c’est encore mieux.

Alors j’ai commencé par une maquette au 1/10 de ce qui devais alors être un fier croiseur de 7m capable de défier Neptune en personne, taillé dans une espèce d’isorel aspect faux-bois des plus chic. Avec une belle dérive et une voile équivalente à 20m², l’engin remonta gracieusement au vent, au pif à 55°, sur le lac de Sillé-le-Guillaume, avec un équilibre de barre miraculeux.

Coque du scow 699 au 1/10e

Suivi une longue errance virtuelle, la quête du Graal, la recherche de la réponse à la question suprême : comment optimiser les performances de cette si sympathique voile carrée sans avoir les paires de bras d’un arachnide ? Et oui une voile carrée c’est deux écoutes, deux bras, deux amures, une bouline.
Première idées: grouper écoutes et bras par paires, secundo : donner un profil constant à la voile grâce à des vergues cintrées, enfin : reculer au maximum les cadènes des haubans pour pouvoir anguler d’autant la vergue inférieure.

Essai de voilure : voile carrée à vergues courbes

J'ai aussi bricolé une maquette en Meccano junior pour en valider le fonctionnement, placer au mieux les points de tire des écoutes, positionner précisément  les cadènes etc et tout le toutim.

Un premier plan un peu sérieux


Ensuite, l’aspect practico-hygiénique de l’habitacle nécessitait une étude à l’échelle 1,  en particulier pour mesurer l’angle de fléchissement  des membres inférieurs lors des posées sur le déjà cité wc-sec-à-la-sciure-écolo, aussi pour évaluer l’ambiance délétère qui régnera à bord en cas de pluie.

Maquette du scow 450

Les futurs membres d'équipage : Valérian et Amaury


3 Définition du projet

Un bateau à mi-chemin entre le dériveur et le petit voilier habitable, entre le Maraudeur et le Corsaire ; donc pouvant loger 3 adultes avec armes et bagages le temps d’une paisible croisière fluviale sur un long week-end.
Habitabilité minimale, plus près de la tente igloo de rando que du yacht, mais avec civilité, camping gaz et wc-sec-à-la-sciure-écolo à tout les étages.
Longueur inférieure à 2 plaques de contreplaqué, soit 4,5m, léger, dans les 250 kg, pouvant être tracté et mis à l’eau sans un 4x4 de 2l de cylindrée et sans s’appeler Hulk.
Une voile carrée, car sur une rivière assez étroite, on peut plus facilement suivre les méandres et le vent du portant au largue en empannant, que tirer des bords dignes d’un class américa.

Le "baquet"

2 Les sources, des bateaux

Fluvio-maritime ça veut dire vase, hauts-fonds, pieux cachés sous l’eau limoneuse ; l’engin sera donc un dériveur.

Je n’ai pas le courage pour me lancer dans la réalisation d’une coque en forme, je ne suis en aucun cas charpentier de marine et ne souhaite pas le devenir.  J’aime la simplicité, le minimalisme. Alors un fond plat et son corollaire, le contreplaqué, c’est pour un adepte du vite-fait bien-fait la panacée universelle.

Les références ne manquent pas, la plate du marais poitevin originel, le chaland de Loire, le scow nord américain, des bêtes de sommes qui charriaient foin, tuffeau, bois sur les rivières, fleuves et grands lacs. Des bateaux construits sans plans, par habitude, des simples assemblages de planches.


D’ailleurs certains hurluberlus s’y adonnent encore, avec tout un mouvement anglo-saxon de bateau « carrés », disons même cubique, taillés à la serpe, avec la foi des anticonformistes et la seule loi de la poussée d’Archimède.

A bas le yachting, le chic, le vernis !


Et puis cette folie, cette marotte, la voile carrée, archaïque par définition, mais qui a permis l’exploration complète de notre monde. Archaïque car réputée comme tout juste bonne à suivre la direction du vent, comme le ferais n’importe quelle boite de conserve sur les alizées.

1 Les sources, l’enfance

Ah les souvenirs impérissables des films de pirates des années 50/60, les galions voguant toutes voiles flasques sur des vaguelettes d’un bassin de studio.


Dès 7/8 ans peut-être je rêvais d’être pirate, le meilleurs moyens de devenir riche sans travailler, bon chaque profession a ses désavantages, et là il aurait bien fallu zigouiller quelques anglais à coup de boulets ; ne parlons pas de mon fier radeau le « crâne fendu » qui n’a jamais tâté l’eau du Lac de Grand-Lieu sur lequel je me voyais fendre les flots.

Et puis la fascination pour les vikings, combien j’ai regretté de n’être pas né en Norvège au IXe siècle, bon j’étais un peu trop chétif pour tenir le rôle et la double hache ; mais depuis l’image du Knarr explorant tel une navette spatiale les côtes froides et désolées du sud du Groenland ne m’a pas quitté.


Les bords d’Optimist devants Fouras, le 420,  le cata à Pornic.
J’ai couru par procuration la route du rhum avec Marc Pajot et d’innombrables courses, chialé quand le beau Elf Aquitaine a démâté, tremblé d’émotion dans ma sous-pente quand un Christophe Auguin hirsute à franchi la ligne devants les Sables sur sa luge en carbone.

J’ai lu Moitessier, Tabarly, Damien, la Longue Route et tant d’autres.
J’ai parcouru les rues de Liverpool alors ce bateau sera le « Norwegian wood », ( j’avais un temps pensé au « Bachi Bouzouk »).